Par le Professeur Cédric LUKAS, Département de Rhumatologie, CHU Lapeyronie, Montpellier, EA2415

Si la mise à disposition des premiers biomédicaments, les anti-TNFα, dans le traitement des formes sévères ou réfractaires aux anti-inflammatoires non stéroïdiens de spondyloarthrite a constitué une révolution dans la prise en charge de ces maladies, il demeure néanmoins une certaine partie des malades chez qui le bénéfice attendu n’est pas au rendez-vous (proportion de malades non-répondeurs estimée entre 20 et 40%), et d’autre part qu’un certain nombre d’entre eux présentent un échappement secondaire, c’est-à-dire une récidive inflammatoire de leur maladie après une période d’accalmie initialement obtenue sous traitement.

Une meilleure connaissance de la maladie

La meilleure appréciation de la maladie permet actuellement de limiter le risque de non-réponse au traitement, par une sélection plus précise des malades chez qui le traitement présente une probabilité optimale de s’avérer efficace, c’est-à-dire en pratique dont les manifestations douloureuses sont assurément attribuables à la spondyloarthrite, et chez qui une activité inflammatoire peut effectivement être objectivée, que ce soit lors de l’examen clinique, par l’imagerie (IRM en particulier), ou par les examens biologiques.

Ceci permet la plupart du temps d’éviter les écueils d’une déception –justifiée !- chez un malade qui misait beaucoup sur le biomédicament et n’en ressent finalement pas de bénéfice, et à qui on aura fait subir les contraintes inhérentes au traitement ainsi que ses risques (contrôlés mais jamais nuls, en particulier infectieux), alors qu’il était prévisible que le gain attendu serait minime, voire nul.

Cependant, même dans des conditions optimales et des situations où l’on pourrait s’attendre à une amélioration franche de la maladie, il est des circonstances où le recours aux anti-TNFα n’apporte pas le bénéfice escompté, ou s’avère trop mal toléré pour être maintenu. Dans ces cas, il n’était jusqu’à présent pas possible de recourir à d’autres classes thérapeutiques que celle des anti-TNFα, avec la limite importante représentée par une forte probabilité d’observer une mauvaise réponse médicamenteuse dès lors que 2 biomédicaments de cette famille s’étaient avérés inefficaces.

C’est donc une nouvelle révolution qui s’annonce dans le traitement des spondyloarthrites puisque nous aurons prochainement la possibilité d’envisager le traitement de ces malades dans le cadre d’une réflexion plus large et d’une stratégie plus complète, grâce à la mise à disposition prochaine de nouvelles classes de biomédicaments, ciblant d’autres voies de la cascade inflammatoire engagée dans ces maladies.

Le secukinumab

Le secukinumab (COSENTYX©) fera très prochainement partie de l’arsenal thérapeutique à disposition des rhumatologues et de leurs patients, pour le traitement du rhumatisme psoriasique et de la spondylarthrite ankylosante réfractaires au traitement conventionnel. Ce médicament, qui s’administre sous la forme d’injections sous-cutanées, d’abord hebdomadaires puis mensuelles à partir du 2ème mois, cible l’interleukine 17A, une cytokine naturelle pro-inflammatoire qui intervient de façon exagérée dans les processus inflammatoires et immunitaires impliqués dans les spondyloarthrites. Les études cliniques menées avec ce produit ont permis de démontrer son efficacité clinique sur l’atteinte dermatologique comme articulaire des malades souffrant de rhumatisme psoriasique, et dans la spondylarthrite ankylosante sur les symptômes en lien avec l’activité inflammatoire de la maladie, évaluée par les réponses aux questionnaires habituellement employés pour mesurer l’importance des douleurs et de l’ankylose rachidienne, articulaire, de la fatigue etc.

Comme avec les anti-TNFα, l’attention du patient et de ses médecins sera particulièrement portée sur le risque d’infections, qui s’avère modérément augmenté lors de l’emploi du traitement, et que l’on s’attachera à prévenir par le dépistage des situations à risque (infections bronchiques ou urinaires à répétition, mauvais état bucco-dentaire…), et les mesures générales et spécifiques de prévention comme la mise à jour des vaccinations.

Il est important de noter qu’à l’inverse des anti-TNFα qui s’avèrent pour la plupart d’entre eux efficaces sur une maladie parfois associée à la spondyloarthrite, la maladie de Crohn, il n’est pas attendu d’effet favorable au niveau digestif du traitement par secukinumab, et ce traitement ne constituera habituellement pas une option prioritaire chez un malade présentant les deux affections.

L’ustekinumab

Une autre molécule est également nouvellement disponible dans le traitement du rhumatisme psoriasique depuis peu, l’ustekinumab (STELARA©).

Ce traitement qui est déjà employé essentiellement par les dermatologues dans la forme purement dermatologique de la maladie (le psoriasis en plaques), a en effet démontré son efficacité sur l’atteinte rhumatologique,

il est désormais possible pour les rhumatologues de le prescrire à leurs patients souffrant de rhumatisme psoriasique actif lorsque les traitements conventionnels se sont avérés insuffisants.

Un avantage intéressant de ce traitement réside dans sa simplicité d’emploi, puisque son administration repose sur des injections sous-cutanées administrées tous les 3 mois (après 2 injections initiales séparées d’1 mois).

Là encore, l’accent sera mis sur la surveillance et la prévention des épisodes infectieux, qui constituent le principal risque induit par le traitement.

L’ustekinumab est actuellement en cours d’investigation clinique dans les spondyloarthrites d’une façon plus générale, avec des études cliniques en cours dans la spondylarthrite ankylosante et les spondyloarthrites axiales non radiographiques.

Il faudra par conséquent attendre les résultats dans ces formes de la maladie avant de pouvoir envisager d’y avoir recours au quotidien, mais les résultats des études préliminaires s’avéraient très encourageants.